samedi 17 novembre 2007

PIERRE K. REY EST MORT

Pierre K. Rey, Pierre Jouvert de son vrai nom, est mort à 60 ans le soir du vendredi 16 novembre 2007 dans le hall d'entrée de mon immeuble à Montréal, au Québec. Un infarctus «massif», suivant le terme du médecin, a eu raison de cet ami que je connaissais depuis 32 ans et que, après une séparation géographique au cours des années 1990, j'avais retrouvé par les hasards de la vie à Montréal en 1999. Depuis nous étions voisins dans l'agréable quartier de Côte-des-Neiges.

Alors qu'il avait été un des meilleurs anthologistes de la SF en France doublé d'un traducteur de talent, suite à des problèmes personnels et de santé et à quelques petites trahisons de trop dans le petit milieu de l'édition spécialisée, Pierre avait décidé de se détacher de la SF en 2001 (au point de ne plus lire le moindre livre !) pour se consacrer uniquement à l'informatique et se replonger dans sa vieille passion pour le cinéma.

En attendant mieux, on trouvera ci-joint le texte (revu pour la malheureuse occasion...) de la fiche qu'on m'avait demandé sur lui pour le Dico de la SF de J. Goimard et Co. chez l'Atalante avant qu'une «restructuration» ne l'en fasse scandaleusement exclure par les rédacteurs. Pierre n'a jamais eu connaissance de cette ultime trahison que je n'avais pas encore eu le courage de lui avouer. J'espère que d'où il se trouve désormais, il voudra bien me pardonner...


REY, PIERRE K. Pseudonyme de Pierre Jouvert (Alès, Gard, 29 janvier 1947 – Montréal, Québec, 16 novembre 2007). Anthologiste, traducteur, critique et directeur de collection français installé depuis 1989 au Québec. Il débute en 1974 dans Horizons du Fantastique puis participe à la rédaction de Spirale et à Thriller avant d’entrer à Fiction au tout début des années 1980. Il est rédacteur en chef adjoint de Galaxies de 1996 à 2001. En France, il a travaillé dans le service informatique d’une banque puis, en amateur averti de cinéma, co-dirigé des salles d’art et essai.
Spécialiste de la SF anglo-saxonne moderne, Pierre K. Rey voit en elle un excitant miroir révélateur du monde d’aujourd’hui. Dès 1981, il publie avec Pascal J. Thomas un essai précurseur sur le sujet,
La nouvelle SF américaine. L’année suivante, c’est L’Amérique aux fantasmes, sa première anthologie qui parait sous la forme d’un numéro spécial de Fiction. Treize autres suivront en huit ans, dans la coll. «Science & Fiction» qu’il dirige aux Ed. Londreys (ADN, Société Anonyme, 1986 ; Images de la Troisième Guerre Mondiale, 1986 ; L’assassin habite au XXIeme siècle, 1987 ; Tropique des étoiles, 1987) ainsi que chez d’autres éditeurs (La femme infinie, 1983 ; Le Livre d’Or d’Orbit, 1983 ; Le Livre d’Or de James Tiptree, 1986 ; Pavane au fil du temps de R. Silverberg, 1989 ; Univers, 5 vol. de 1986 à 1990).
Pierre K. Rey, reconnu pour la rigueur de ses sélections de textes et de ses articles critiques, avait regrettablement cessé toute activité littéraire depuis 2001.


La fiche de Pierre K. Rey sur Wikipedia se trouve ici :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_K._Rey


Salut l'ami, tu nous manques déjà cruellement.


RDN

mercredi 10 octobre 2007

NOTRE AGENT EN JUDÉE par Franco Mimmi

Et si la dramatique histoire du Christ n'était qu'une opération politique romaine qui aurait mal tourné en Palestine ?
Cette idée sert de colonne vertébrale au scénario de l'astucieux roman de l'Italien Franco Mimmi qui renouvèle ce nouveau sous-genre littéraire tournant autour du personnage de Jésus, accommodé à toutes les sauces, de la meilleure à la moins digeste, et qu'on pourrait appeler «Christifiction»...
Sous l'empereur Tibère, la Palestine est toujours un chaudron politique et au rythme ou vont les choses, comme le dit un des personnages, il n'y aura bientôt plus assez d'arbres dans la colonie pour fournir les croix sur lesquels sont crucifiés des milliers de Juifs pratiquant la rebellion armée contre l'envahisseur.
Ponce Pilate, principal pourvoyeur en crucifiés commence lui-même à avoir des doutes sur sa méthode et à sentir que son avenir politique pourrait être compromis en cas de nouvelle révolte. C'est alors que Caïphe, le grand prêtre du Jérusalem, qui entretient des relations d'intérêt avec Ponce Pilate, propose à celui-ci de favoriser l'ascension d'un nouveau prophète nommé Jésus et qui prêche l'amour et le pardon universel au nom de Dieu. Enfin un prophète juif qui n'appelle pas aux armes ! Et qui, de surcroît, pourrait inciter ceux qui le suivent à mieux considérer les Romains, favorisant ainsi un espoir de paix civile dans la région.
Mais, si tout commence plutôt bien, quelques grains de sable ne vont pas tarder à gripper la machine et ouvrir la voie à la tragédie que l'on sait...
Dans un style clair et limpide, Franco Mimmi (qui a étudié son sujet dans les détails) propose au lecteur une relecture inspirée de la fin de la vie de Jésus et sans y mettre un atome de fantastique religieux. Jésus est ici un personnage historique, au sens strict du terme, un personnage attachant qu'on suit avec bienveillance dans sa marche vers un désastre annoncé mais qui ne se produira pas du tout pour les raisons exposées dans les textes sacrés.
Notre agent en Judée (Folio«policier» #422, 2006) a reçu en 2000 le Prix Scerbanenco (du nom d'un des plus fameux auteurs de polar noir italiens) pour le meilleur roman policier de l'année publié en Italie.
RDN

samedi 6 octobre 2007

CRYPTOZOOLOGIE : une biographie et un inédit de Bernard Heuvelmans !

La première biographie de Bernard Heuvelmans (1916-2001), l’homme à qui la cryptozoologie doit son nom, une grande partie de sa crédibilité et sa croissance comme discipline scientifique à part entière depuis les années 1950 est enfin parue !
Ce livre ouvre la «Bibliothèque Heuvelmansienne» aux éditions de l’Oeil du Sphinx et sous la direction de Jean-Luc Rivera. Et comme un bonheur ne vient jamais seul, il est publié en même temps qu’un inédit de Bernard Heuvelmans, Les félins encore inconnus d’Afrique !




Ami et collègue de très longue date de Bernard Heuvelmans, Jean-Jacques Barloy était bien placé pour écrire ce Bernard Heuvelmans : un rebelle de la Science. L’ouvrage, illustré de nombreuses photos inédites, repose sur les souvenirs personnels du Dr Barloy mais aussi sur l’importante documentation issue des archives de Bernard Heuvelmans et mise à sa disposition.
Rebelle aux dogmes, le Dr Heuvelmans l’a été toute sa vie mais sans pour autant entrer dans les rangs des «damnés» de l’establishment scientifique. C’était ce qu’on appelle aujourd’hui un électron libre du milieu académique, quelqu’un qui a réussi à échapper toute sa vie au système des subventions pour organiser ses recherches à peu près comme il l’entendait. Le prix à payer pour cette liberté intellectuelle fut une vie nettement plus spartiate que celle d’un chercheur professionnel ou d’un professeur d’université. Mais ce genre de «sanction» n’était pas du genre à faire reculer quelqu’un comme Bernard Heuvelmans, qui fut toujours soutenu par un cercle d’amis proches et par la femme qui illumina sa vie, l’écrivain Monique Watteau fort connue aussi dans le milieu de la peinture sous le nom d’Alika Lindbergh après son mariage dans les années 1960 avec le fils du célèbre aviateur américain.
Animé d’un respect sans faille pour tout ce qui était vivant, Bernard Heuvelmans avait adhéré au bouddhisme et affichait un dégoût profond pour tous ceux maltraitaient les animaux. Pour lui, aucune cause ne pouvait justifier cette maltraitance, y compris la recherche médicale et… la cryptozoologie ! Il faisait en effet partie de la minorité de chercheurs qui auraient été capables de laisser partir un Yéti plutôt que de devoir l’abattre pour en ramener la dépouille afin de satisfaire la fixation pour les preuves matérielles de la zoologie académique.
Bernard Heuvelmans était aussi un écrivain brillant avec un talent particulier pour saisir l’attention de ses lecteurs. Avec lui, la science devenait roman et le compliqué accessible à tous. Ses livres de cryptozoologie se dévorent souvent comme des thrillers d’exploration et d’aventures. D’ailleurs ce beau brin de plume taillé pour l’aventure et l’extraordinaire avait déjà été remarqué au début des années 1950 par l’éditeur belge Marabout qui avait alors proposé à Bernard Heuvelmans d’écrire ce qui allait devenir la série Bob Morane. Sentant que cela risquait de dépasser ses capacités de travail pourtant impressionnantes, Bernard Heuvelmans avait décliné l’offre et proposé à sa place son ami Charles Dewisme qui allait connaître ainsi la gloire sous le nom de Henri Vernes…

Ce talent de conteur érudit sans jamais devenir raseur se retrouve évidemment dans l’autre inédit proposé par l’Oeil du Sphinx, Les félins encore inconnus d’Afrique. Au travers de trois grandes parties qui sont autant d’enquêtes zoologiques, Bernard Heuvelmans opère une exploration fascinante du monde des félins mystérieux du continent noir, exploration dominée par le tiers du livre réservé au mystère des apparitions documentées au fil des décennies de ce qui ressemble à des cousins des terribles tigres à dents-de-sabre de la préhistoire qui terrorisaient nos ancêtres des cavernes. Ce croisement entre les célèbres romans des «Âges farouches» (on pense ici plus au Félin géant qu’à La Guerre du Feu) de J. H. Rosny aîné et les récits de grandes chasses et d’explorations africaines constitue un moment de lecture exceptionnel.
Pour se procurer ces livres en grand format, le plus simple est bien sûr de se rendre sur le site http://www.oeildusphinx.com/.

RDN

jeudi 16 août 2007

ENEMY BEYOND PLUTO de JEAN-GASTON VANDEL

Les Fleuve Noir «Anticipation» à avoir été traduits en anglais ne sont pas légion. Tous l’ont été aux USA, sauf un, en fait le tout premier, qui est paru, lui, en Angleterre en 1954 chez Hector Kelly à Londres, un de ces «mushroom publishers» (éditeurs poussant ici et là à la vitesse des champignons pour mourir tout aussi vite…). Ce précurseur, puisque aucun autre «Anticipation» ne paraîtra ensuite en anglais avant les années 1970, c’est Enemy Beyond Pluto, traduction d’Attentat Cosmique de Jean-Gaston Vandel («Anticipation» 21, 1953).

L’édition Hector Kelly, reliée avec jaquette est quasiment introuvable avec ladite jaquette. Mais il existe une autre édition, cette fois brochée format poche, parue sous le label mystérieux d’Evergreen Books et qui ressemble fort à une remise en vente à bas prix (sans date mais certainement du milieu des années 1950) de l’intérieur des invendus de la première.

Les renseignements sur Hector Kelly et Evergreen Books étant quasiment inexistants et le livre n’étant même pas répertorié à la British Library (ceci sans parler du silence qui règne à son sujet sur Internet…), la seule chose qui semble certaine est qu’il constitue la plus rare au monde des éditions de Jean-Gaston Vandel et une authentique pièce de collection dans ses deux éditions. Je n’ai jamais vu celle de Hector Kelly mais ayant mis la main sur celle d’Evergreen Books, il m’a semblé intéressant de la signaler aux amateurs du Fleuve Noir «Anticipation».

Je reste évidemment preneur pour tout renseignement complémentaire sur ces deux éditions pour le rajouter à cette entrée.

RDN

mardi 24 avril 2007

A. BERTRAM CHANDLER, TRAHI DE L'ANGLAIS PAR...

J'étais tout content de voir qu'enfin quelqu'un s'était décidé à traduire en français un roman de A. Bertram Chandler (1912-1984), ce grand oublié chez nous du Space Opera classique que j'ai eu le plaisir de rencontrer une fois en Angleterre voici presque 30 ans (on ne doit pas être beaucoup à avoir un exemplaire de Rendez-vous sur un monde perdu en «Anticipation» dédicacé par l'auteur...). Souvenons-nous aussi que Francis Carsac lui avait rendu hommage avec son excellente nouvelle «Le dieu qui vient avec le vent» dans Fiction #222, en 1972.

Mais Chandler n'avait pas eu trop de chance jusque-là chez nous puisque la traduction de Rendez-vous... n'était pas terrible et que son seul autre roman à avoir été publié en français, Le long détour (Albin Michel, 1980) était la suite directe d'un volume resté lui inédit !

Aussi quand j'ai vu que Les Moutons Électriques, réputés pour leur sérieux, nous proposaient un inédit de la saga de John Grimes, je me suis dit que la malédiction était enfin levée et, bien qu'ayant déjà le livre en anglais, j'ai immédiatement investi 13 Euros dans l'affaire pour soutenir cette initiative...

J'aurais mieux fait de les garder... Car dès la première page, j'ai découvert avec horreur que la «traduction» de Sylvain Berthet était tout simplement un scandale ! On en vient même à se demander par moment si elle n'aurait pas été faite par un ordinateur... Le roman est réduit à néant, le texte étant en plus écrit dans un style lourdingue et dans un français souvent approximatif, et, surtout dans son premier tiers, constellé de fautes d'orthographe et de coquilles. C'est un texte non-relu qui est parti chez l'imprimeur, ça crève les yeux.

Il ne reste plus aux Moutons Électriques qu'à mettre au plus vite sur le marché une nouvelle version revue et cette fois corrigée s'ils ne veulent pas que la carrière de John Grimes s'arrête là chez eux, faute de lecteurs.

Pendant qu'ils y sont, ils pourront aussi en profiter pour améliorer la couverture en y mettant le nom de l'auteur avec d'autres caractères que ceux, microscopiques, utilisés ici et qui donnent l'impression qu'on l'a rajouté ce nom au dernier moment à la machine à écrire sur la maquette...

Il n'y a pas à dire, quand le Mouton Électrique disjoncte, il ne fait pas dans le détail et ça devient... dickien dans la déglingue.

RDN

jeudi 19 avril 2007

SECRET WEAPONS - SECRET AGENTS de JACQUES BERGIER


Premier livre de Bergier à avoir été à ma connaissance traduit en anglais, Agents secrets contre armes secrètes (Arthaud, 1955) est d'abord sorti en livre relié avec jaquette en Angleterre en 1956 chez Hurst & Blackett avant d'être réédité en poche outre-Manche chez Panther en 1958 sous la belle couverture «populaire» d'époque que voici et que je viens de dénicher chez un bouquiniste US.

Pour le plaisir des yeux...


RDN




jeudi 12 avril 2007

MUREL T.1, Les Chants de l'Air, de Claude Ecken et Benoît Lacou

Claude Ecken est depuis des années un des auteurs les plus intéressants de la SF française moderne (voir par exemple son recueil Le Monde, tous droits réservés aux éditions du Bélial, 2005) avec ses récits à la tonalité proche de la hard-science mais qui n'oublient jamais l'élément humain. C'est aussi, et depuis des décennies, un spécialiste de la BD, mais s'il avait déjà publié quelques albums ici ou là, il lui manquait encore l'oeuvre qui le ferait enfin remarquer au milieu du torrent de publications annuel du genre.

Avec Les chants de l'air, le premier tome de la trilogie Murel qui vient de sortir aux Éditions EP (Emmanuel Petit) début 2007, il semble qu'il tienne enfin le bon bout de ce côté-là.


Dans Murel, il concilie en effet, et enfin, ses ambitions littéraires dans la SF avec cette BD qu'il avait eu jusque-là du mal à dompter à son profit. Cette trilogie s'annonce comme un mélange bien équilibré de Space Opera, d'espionnage et d'histoire High Tech qui se saisit de l'attention du lecteur dès que celui-ci a intégré les noms un peu compliqués des personnages qui empêchent de se concentrer totalement sur l'intrique dans les toutes première planches («Ah ! mais bon sang, c'est qui déjà, celui-là?»). Fausses pistes, mystère et suspense alimentent ensuite le plaisir de ce même lecteur qui ne peut qu'en redemander une fois ce premier volume refermé sur un cliffhanger, comme on dit dans le jargon franglais des séries TV.

Mais un bon scénario qui n'est pas soutenu par un dessin à la hauteur, c'est le crash assuré dans l'univers impitoyable de la BD où le visuel est d'une importance capitale. Claude Ecken en avait fait l'amère expérience avec une précédente série, historique cette fois (la peste de 1720 à Marseille), Le diable au port (3 tomes, 2002 à 2004), dessinée par Benoît Lacou. Or, divine surprise, c'est justement ce même Benoît Lacou qu'on retrouve ici, cette fois libéré et en pleine forme dans cet univers extra-terrestre peuplé de personnages mi-animaux mi-humanoïdes...! Son dessin en couleur directe colle très bien au scénario et trouve ici une vigueur et un dynamisme à des lieues de sa prestation guère enthousiasmante sur la peste de Marseille.

À déguster sans délai.

RDN