mercredi 17 août 2011

Scandale à la Bibliothèque de CARCASSONNE : 8 000 livres du fond historique jetés aux ordures !

Un fameux scandale à la bibliothèque de CARCASSONNE

ou

La sinistre histoire du «Conservateur» et de la benne à ordures en guise de système de classement.

Lettre de Mr Gérard Jean

Recommandé A.R. Carcassonne, le 17 août 2011

Lettre ouverte de protestation solennelle.

Monsieur le Président

La bibliothèque municipale et ses riches collections, se trouvent désormais sous la gouvernance de la Communauté d’agglomération du Carcassonnais dont vous êtes le président.

Vous occupez la fonction d’adjoint, chargé de la Culture, auprès de M. Jean-Claude Pérez, député-maire de Carcassonne ; et vous êtes d’autre part vice-président du Conseil général de l’Aude, plus particulièrement chargé des Affaires culturelles.

Vous ne pouvez donc pas ignorer qu’il existe dans notre département, comme sur l’ensemble du territoire français, un réseau de sociétés savantes, à vocation littéraire,artistique, historique et scientifique, fondées pour certaines en 1833 et 1836, dont la mission de service public est essentielle, renforcée même par la défense environnementale et patrimoniale.

Il serait surprenant que vous ne sachiez pas que la Société des arts et des sciences de Carcassonne, appelée aujourd’hui Académie, a créé il y a près de cent cinquante ans, le musée des beaux-arts, ainsi que la bibliothèque municipale de cette ville. Elle a permis de façon décisive la sauvegarde des ruines de la Cité, et plus récemment, en grande partie, son classement parmi les monuments les plus prestigieux inscrits au Patrimoine mondial de l’Humanité.

Pendant plus d’un siècle, nos prédécesseurs ont inlassablement enrichi par leurs nombreux achats personnels et leurs donations de grande valeur successives, le fond alors embryonnaire de la bibliothèque municipale de Carcassonne.

Plus récemment, la Société des arts et des sciences de Carcassonne, a déposé un certain nombre d’ouvrages parmi les plus rares et les plus précieux, au sein de l’institution territoriale que vous représentez maintenant, avec la certitude de les protéger ainsi à perpétuité.

Nous avons vécu ensemble dans la matinée d’hier un « bibliocauste » à ma connaissance sans précédent, qui a dépassé de par son importance les scandales culturels des cinquante dernières années dont le département a souffert.

Le jeune conservateur Emmanuel Pidoux, que vous m’avez présenté comme directeur du centre de lecture publique, chef de projet du réseau des médiathèques de l’agglomération du Carcassonnais, a provoqué la destruction de 7 à 8.000 ouvrages d’une valeur documentaire considérable.

Il s’agit là d’un acte barbare, constitué par la destruction de milliers de livres d’une haute portée intellectuelle, qu’il nous appartient de dénoncer de la façon la plus violente qui soit… qu’il vous appartient de sanctionner sans aucun état d’âme.

Nous vous demandons solennellement, Monsieur le Président, d’engager immédiatement une procédure de licenciement à l’encontre de M. Emmanuel Pidoux, s’il s’avère responsable de l’état de fait ; sinon, nous envisagerons des poursuites pénales visant toute personne concernée pour destruction volontaire du bien public et d’objets mobiliers historiques.

D’après les renseignements qui ont été portés à ma connaissance, il semblerait que M. Pidoux ait agi sans aucun discernement, avec un manque de réflexion manifeste, aggravé par une absence totale de concertation, qui peut être justifiée mais non amoindrie, en raison de sa méconnaissance des réseaux associatifs culturels départementaux.

Pour défendre son geste inqualifiable devant les médias, M. Pidoux a menti sur la portée de sa décision inculte, sur son envergure, ce qui laisse présumer la dangerosité de votre collaborateur, qui n’a même pas daigné présenter ses excuses à l’Académie des arts et des sciences de Carcassonne.

Afin d’éviter toute polémique stérile qui pourrait s’instaurer, je me permets de vous rappeler les faits objectifs que nous avons ensemble constatés puisque vous étiez personnellement présent. Mes collègues et moi-même avons recueilli un échantillonnage des livres les plus importants voués à la destruction et pris des photographies in situ.

Le mardi 16 août 2011, au milieu de la matinée, j’ai été prévenu téléphoniquement par un nombre conséquent de personnes ouvertement scandalisées par ce qui se passait « rue de Verdun ».

Je me suis donc rendu à l’emplacement de l’ancienne bibliothèque municipale. À l’entrée, sur le trottoir, se trouvait une grande benne à ordures, du type de celles qui sont utilisées pour l’évacuation des matériaux de construction.

À mon arrivée, ce container était quasiment plein à ras bords ; il contenait donc un minimum de 7 à 8.000 ouvrages selon l’estimation susdite et non pas « 200 revues » comme il m’a été donné de le lire sur une certaine presse locale.

Ce chargement destiné de prime abord à la décharge publique a été très vite accaparé par des personnes bien intentionnées, qui ont tenté de sauver ce qui pouvait l’être, mais également par des bouquinistes et autres brocanteurs très au fait de la valeur marchande du dépôt.

Qu’avons-nous trouvé : des documents sans importance bien entendu ; mais également des livres en parfait état, bien reliés, ayant appartenu aux précieuses bibliothèques de feux Coste-Reboult, de René Nelli, du médiéviste Jean Duvernoy, du philosophe Ferdinand Alquié, de la Société des arts et des sciences de Carcassonne entre autres et à titre d’exemples ; des ouvrages portant les dédicaces à Mahul, à Chénier, à Marcou, à Blum, député de l’Aude. Il y avait également des collections complètes et reliées du Bulletin monumental de la Société française d’archéologie ; les Annales climatologiques de l’Aude ; les Actes des congrès nationaux des sociétés savantes ; les prestigieux et très recherchés ouvrages des Congrès archéologiques de France ; Les Annales, littéraires, historiques, scientifiques ; La Revue des deux Mondes, recueils immémoriaux des célébrités intellectuelles de notre Pays ; des documents originaux du XIXe siècle, voire du XVIIIe siècle.

Broutilles nous a-t-on dit ! Circulez, il n’y a rien à voir ; il n’y a plus rien à faire, le fait du prince est accompli !

Nous citoyens, écrivains, éditeurs, enseignants, chercheurs, membres des sociétés savantes, littéraires et scientifiques, politiciens et autres acteurs de la société civile, voulons témoigner notre indignation face à cet acte de barbarie d’un autre siècle que constitue la destruction de milliers de livres.

En effet, si nous concevons à l’extrême limite qu’une institution comme la Bibliothèque, future médiathèque de la Communauté d’agglomération de Carcassonne, ne puisse conserver pour des raisons de place ou d’aléas budgétaires les donations de l’État, où celles des plus prestigieux de nos compatriotes, nous ne pouvons accepter que les livres finissent leur existence à la poubelle, ni tolérer les dires de ceux qui affirment que « Balzac » n’a plus sa place sur les rayonnages, parce qu’il ne fait plus partie du cursus scolaire.

Monsieur le Président, votre collaborateur a détruit une partie du patrimoine cher aux Carcassonnais et aux Audois. Nous en sommes tous révoltés. C’est pourquoi, au nom de la sphère culturelle départementale émotionnée par ce problème, je vous demande d’engager immédiatement une procédure de licenciement visant la personne qui s’est rendue coupable devant nous, de faits dramatiquement irréversibles.

Et parallèlement à cette lettre de protestation solennelle que je rends publique, j’avise Madame le préfet de l’Aude et Monsieur le ministre de la Culture, afin qu’il fasse diligenter une enquête déterminant en particulier qu’elles sont les compétences universitaires et professionnelles de Monsieur Emmanuel Pidoux et partant, les conditions de son embauche.

Je conserve l’espoir de ne plus avoir à gérer pareille situation, que je n’avais jamais connue alors que je milite bénévolement depuis cinquante ans en faveur de la Culture et du Livre en particulier.

Au nom de l’ensemble de mes collègues, je vous exprime l’expression de ma

consternation et de mon profond regret.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes sentiments distingués.

Gérard JEAN